J’éclaterai
Les pensées intrusives sont toutes ces petites phrases qui se glissent dans ma tête sans que je puisse rien n’y faire. Souvent négatives, et au mieux perturbantes, elles hantent mon cerveau comme un grenier abandonné. Personnellement, je n’en ai que deux récurrentes, qui me surprennent souvent au détour d’une soirée un peu trop arrosée, un peu trop fatiguée, qui ne disparaissent qu’au moment où je les ai tellement répétées intérieurement qu’elles en perdent tout leur sens. Elles continuent alors de vivre dans mes pensées, mais perdent peu à peu de leur emprise nocive.
« J'ai frappé contre le mur ma tête,
J'ai frappé contre le mur ma tête,
J'espère qu'elle éclatera. »
Chanson de Pierre Lapointe qui apparaît plus souvent la nuit, quand l’entièreté du monde est trop grande pour me contenir, quand j’arrive à me détester moi-même pour des raisons aussi simples que je suis et j’existe. Quand je suis paralysée par la peur, l’anxiété, mais que je suis encore fonctionnelle. Cet instant qui ne précède que de très peu mes breakdowns émotionnels, là où je deviens malade par le pouvoir de l’esprit bien plus que par celui du corps. Une strophe en boucle dans ma tête avant que je ne brise.
La deuxième pensée est plus courte, mais tout aussi omniprésente. « Ça va pas. » Un euphémisme presque, dans toutes ses variations, et qui, pourtant, me rassure. C’est un constat plus qu’une réflexion, ça va pas, ça va pas, ça va pas, mais le fait de m’en rendre compte rend plus facile la transition vers un « ça va » éventuel. C’est une phrase qui renferme bien plus que les trois mots qui la constitue. Pour moi, elle veut plutôt dire que non, ça ne va pas dans l’instant présent, mais que j’en suis consciente, et que je prends les moyens nécessaires à ce que cette situation change. Même si c’est parfois faux. Même si ces moyens sont parfois du déni et de l’évitement. Mais bon, ça c’est une autre histoire…
Tout ça pour dire que ces temps-ci, je les entends toutes deux à un rythme presque effrayant, et les moyens que j’aimerais prendre, comme m’enfuir à l’autre bout de la province, ne me sont présentement pas accessibles. Alors j’en cherche d’autres, sauf que je ne peux que me perdre dans mes contradictions. J’ai besoin d’espace, mais surtout, j’envie la proximité de certain.es. Je voudrais passer tout mon temps hors de chez moi, mais je n’arrive pas toujours à quitter mon lit si confortable. Je cherche un endroit où je me sentirais enfin en sécurité, mais je repousse tous les bras qui m’offrent ce réconfort.
Paradoxale.
Plus ça va, plus je dissocie. J’ai blâmé l’école, la job, l’hiver, mais ce n’est pas ça. Et déjà, je perds le fil de mes pensées, je m’isole, je m’égards. Il y a quelques années, l’une de mes pensées intrusives était de me rouler en boule sous un arbre et laisser la neige me recouvrir, jusqu’à ce que je disparaisse. Aujourd’hui, ce n’est plus aussi tentant, mais l’idée reste là. Et surtout, la tempête d’émotions qui mène à ces idées de destruction, qui m’emportent dans un monde à part, où je vis de mes illusions et délusions.
J’arrive bien mieux à cacher toutes mes pensées dérangées qu’à l’adolescence, mais elles restent là, et avec un peu d’attention, j’ai encore l’impression de n’être qu’un livre ouvert.