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Je continue de déprimer

Certains jours je vais bien. Très bien même. Je me lève en super forme, je brosse mes dents, je vais dans la douche, je mange trois repas. J’assiste et participe à tous mes cours, j’organise mon horaire, je complète ma to-do et j’avance parfois celle du lendemain. Quand j’ai la motivation de travailler, je le fais. Parce que je ne sais jamais si ce sera toujours le cas demain.

Ces temps-ci, c’est environ la moitié du temps que je déprime. Que mon lit représente l’unique espace au monde qui existe et que la position allongée soit la seule qui me convienne. Ça me prend une heure à me lever, parfois deux, je m’habille en mou, j’oublie de manger, je n’ai pas faim. Il faut que je me force pour fournir le moindre effort, parce que sinon, je reste facilement immobile toute la journée. Boire de l’eau, prendre mes médicaments, m’asseoir à mon bureau, ouvrir zoom. Contempler l’écran des heures durant sans réellement porter attention à ce qu’il s’y passe.

Ne se remet-on jamais d’une dépression ?

Au milieu de la nuit, je me réveille et je pense. Je ne dors plus parce que j’ai trop dormi la veille. Pourtant, je sens encore la fatigue qui m’accable. Je médite, je respire, j’écoute des films, des podcasts, je lis. Rien ne me conforte, le sommeil me fuit. Je voudrais aller prendre une marche, mais il est tard, c’est la nuit, il y a le couvre-feu et c’est l’hiver. En été, il m’arrive de sortir sur le balcon avec ma couverture et de me rendormir sur le sol au lever du soleil. Je ne sais plus depuis combien de temps je fais ça. Je ne sais plus c’est quand la dernière fois que je l’ai fait.

La batterie de mon ordinateur se décharge autant le jour que la nuit. Et entre deux épisodes, je pense. J’imagine.

J’imagine le jour, le lendemain, la semaine d’après. Je songe à tous les mots que je voudrais écrire dans mon prochain roman. Si seulement il existait une machine pour retranscrire nos pensées, il serait déjà terminé. Mais je pense plus vite que je ne peux taper sur mon clavier ou tracer les lettres sur le papier. Alors je me fais de petites notes mentales, des sujets que je veux aborder, et sous quel angle en parler. Je suis inspirée, mais dans ma tête seulement. L’effort de sortir le matériel pour réellement exprimer toutes mes idées est trop grand.

Je n’ai pas le syndrome de la page blanche ; l’intérieur de mon crâne est tapissé de croquis pour de futurs projets, mais ils ne sont pas prêts à sortir. Ils ne savent pas encore comment faire. Certains jours, ils se débloquent et sortent pêle-mêle, se mélangent les uns aux autres, et je ne sais plus comment les arrêter. Mais ma déprime revient sans cesse, et plutôt que d’y mettre de l’ordre, elle se contente de fermer toutes les portes. Ce qu’on ne voit pas ne peut pas nous importuner, n’est-ce pas ? Mais moi je sais, je sais qu’ils sont tous là, qu’il faut venir les chercher. Je sais qu’ils ne demandent qu’à s’évader, mais je n’ai pas souvent le courage de les aider à y parvenir.

Alors oui Netflix, je suis encore là. Je te regarde.

La seule façon que j’ai d’écrire c’est avec l’écriture automatique. Les mots apparaissent d’eux-mêmes, sous mes yeux, les phrases se forment sans que j’aie à trop y penser. Je ne me relis que rarement. Heureusement, je ne fais que peu d’erreurs d’orthographes, mes travaux en seraient couverts. Heureusement, j’arrive malgré tout à écrire. Même si bien souvent, ça n’a aucun sens.

J’écrire pour vivre, pour survivre, et parce que c’est un moyen de me forcer à sortir de ma léthargie. J’écris parce que parfois, ce qui ne fait plus de sens dans ma tête en fait davantage sur une feuille de papier. J’écris parce que je ne sais pas dessiner pour reproduire les images qui surgissent lorsque je ferme les yeux.

J’écris parce que quand je n’écris pas, je dors. Et quand je n’écris pas et que je ne dors pas, je déprime.

Ne guérit-on jamais d’une dépression ?

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