Le plus dur
Le plus dur, c’est la fatigue. Être constamment épuisée, vouloir dormir toute la journée, et tout de même faire de l’insomnie la moitié de la nuit. C’est la tempête d’émotions qui se bouscule, qui prend tout et repart avec le peu d’énergie que j’ai. C’est de ne pas savoir ce que je ressens, mais avoir néanmoins l’impression que c’est trop, trop fort, trop intense, tout le temps.
Le pire, c’est que ça ne s’arrête jamais. C’est une charge mentale de laquelle je ne peux pas m’absenter, puisque je suis l’unique victime des conséquences éventuelles. C’est de n’avoir ni l’envie ni la capacité de faire quoi que ce soit, et tout de même devoir commander mes médicaments, les organiser, les prendre, respecter l’horaire un minimum. C’est de devoir prendre le peu de motivation que j’ai et le dédier presque entièrement à une crise d’hypo ou d’hyperglycémie. Surveiller constamment ce que je mange, ce que je bois, ce que j’ai dans mon sac, dans mes poches, dans mon sang. Avoir un agenda rempli de rendez-vous. La tête remplie de chiffres et de statistiques. C’est de noter tous les symptômes dans mon téléphone au cas où ils seraient signe d’une éventuelle infection.
Comprendre encore et encore que ce n’est que ma réalité, mon nouvel état de base. Les effets secondaires de la vie.
C’est d’attendre toute la journée des appels qui ne viennent jamais, d’avoir envie de romantiser ma vie, nier la vérité qui est ailleurs. J’ai beau passer la journée sur mon téléphone, les seules fois qu’il sonne, c’est un médecin à l’autre bout de fil, et les nouvelles sont rarement bonnes. Au fond c’est peut-être pour ça que je déteste tellement appeler et que j’ai toujours préféré texter mon entourage. Ce qui n’explique cependant pas les raisons pour lesquelles j’ignore la majorité de mes notifications. Évitement perpétuel.
C’est de me poser huit millions de questions sur l’avenir, de n’avoir comme seule certitude que ma vie sera éternellement instable et mes plans inévitablement chamboulés. C’est de me forcer à sortir marcher dehors, puis perdre la notion du temps et ne jamais vouloir rentrer. Ne pas vouloir être à la maison, avoir simplement besoin de voir des gens, d’être ailleurs, mais être incapable de sortir de mon lit et continuer inconsciemment de m’isoler. Voir tous les paradoxes de ma vie, et être incapable d’en combattre un seul.
Le plus dur, c’est de résister, de ne pas disparaître, de ne pas me cacher, m’enfouir la tête dans le sable. De ne pas rechuter. C’est de penser chaque jour à recommencer à consommer alors que je n’en ai aucune envie. De vouloir retrouver cet univers, non pas pour le sentiment que m’apporte la drogue, mais pour tout ce qui y est associé dans ma tête. Parce qu’une partie de moi se souvient davantage de l’amour, d’être aimée de cette manière si spéciale, et oublie que tout le reste n’était que superficiel. Parce que dans mes rêves, les bras qui m’entourent sont plus important que la raison de leur présence.
Et je réalise que l’absence que je ressens est la mienne, et non celle des autres.
C’est de vouloir tellement de choses, mais ne rien oser. Je sais que le jour où je me lancerai, toute ma vie prendra le bord au profit d’un voyage au bout du monde. Passer mes journées sur instagram et passer de compte de tatoo en compte de tatoo, d’être près de contacter chaque artiste, mais encore changer d’idée au dernier moment. D’enchainer avec les salons de coiffures et finir sur le site du Jean Coutu, convaincue que je suis capable de les teindre moi-même. Une couleur au hasard, j’ai juste besoin de changement.
Dans mon petit monde, tout est rose, tout est beau, tout est simple. C’est le contraste avec la réalité qui fait mal. Dans mes phases dépressives, je m’enfuis dans les livres et les films, non pas pour passer le temps, mais pour m’imaginer ce monde si différent. Défiler mon fil tumblr pour la lumière, l’ambiance des photographies, la beauté des poèmes et des extraits musicaux. Pour les mots, toujours.
Le plus dur, c’est d’écrire ce dont j’ai envie, mais sans inquiéter mes proches (maman). C’est de savoir ce que je veux. C’est d’avoir l’impression d’avoir tout le temps un crayon à la main, et relire sans cesse des idées identiques dans mes cahiers. Me répéter, radoter. M’exaspérer.
Et le pire, c’est que ma psy est en vacances, mais mon esprit n’en prend jamais.