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Sécurité alimentaire

Du yogourt sans probiotiques, des céréales, des pépites de chocolat. Du pain tranché, de la mayonnaise, de la dinde, du fromage vieilli deux ans. Des pâtes et de la sauce en canne. Du riz. De la sauce soya. De la crème glacée, et de nombreuses boîtes de jus.

Si je devais faire l’épicerie ces temps-ci, c’est pas mal à ça que ça ressemblerait. Avec, peut-être, un sac de Doritos en plus. J’ai besoin de ces aliments qui sont faciles à préparer et pour lesquels je n’ai pas besoin de me poser de questions : je sais que je les aime. Un repas complet, nutritif, que je peux rapidement réchauffer et manger peu importe où je suis.

Je ne me considère plus comme anorexique. C’est-à-dire, l’anorexie n’a plus le pouvoir qu’elle avait auparavant dans ma vie. Elle ne me pose pas de problème à chaque repas, et j’ai même rarement des pensées envahissantes qui surgissent de nulle part.

Cependant, je sais que je reste fragile. C’est tellement, tellement facile de sauter un repas, puis un autre. Pas parce que je pense à des chiffres, à mon poids ou à mon reflet dans le miroir lorsque je m’habille autrement qu’en jogging et en hoodie. Simplement parce que je n’y pense pas. Que je juge manquer de temps, et que c’est souvent cette étape de ma routine qui saute en premier. Je ne suis plus anorexique, mais je n’ai pas nécessairement acquis le réflexe de prioriser mon alimentation.

En période de changement, c’est encore plus compliqué pour moi. Et la rentrée, c’est un gros changement de routine et d’habitudes. J’ai passé l’été à travailler, à avoir un horaire à temps partiel seulement, et maintenant, il faut que je recommence à prendre le métro chaque jour, voir des gens, des foules, des inconnus, et socialiser pour me faire des ami.es. M’impliquer dans de nouveaux projets, et choisir ceux qui me tiennent réellement à cœur pour ne pas m’éparpiller dans milles trucs différents.

Évidemment, je dors moins, je fais plus d’anxiété, et plus de cauchemars. Je m’inquiète de mon énergie, de ma charge de travail, de mon bénévolat, et de passer suffisamment de temps avec ma famille et mes amies hors de l’école. Étrangement, j’arrive également à m’inquiéter de mon budget, alors que je sais bien que je ne dépense presque rien pendant l’année scolaire, et dans l’éventualité où je n’ai pas le temps de me faire un lunch ou que je l’oublie dans le frigo, j’hésite toujours à m’acheter un petit sandwich à la cafétéria.

J’ai encore des tas de mécanismes internes à déconstruire pour me rétablir complètement, et même si j’arrive généralement à me prioriser, moi, au quotidien, il m’arrive que l’idée ne me traverse même pas l’esprit tellement je suis occupée. Et je me demande parfois si être aussi occupée n’est qu’un prétexte pour sauter des repas.

En famille, on en a parlé un peu. On a adapté la liste d’épicerie en conséquence, et je sais qu’il sera rarissime que je ne trouve rien à mon goût dans notre frigo et nos armoires. Mes safe food, mes aliments sécuritaires, ne veulent plus dire la même chose qu’avant. Je ne sais plus la quantité de calories par portions. J’assaisonne selon mes envies, et je mange jusqu’à n’avoir plus faim. C’est tout.

Pour moi, la sécurité, c’est de ne pas me poser de questions. Un kraft dinner n’est pas un bon repas ? Tant pis, c’est mieux que rien. Je manque de fruits et de légumes ? Oui, c’est possible. Mais en ce moment, ce dont j’ai besoin, c’est de manger ce dont j’ai envie seulement. Il sera toujours temps de revenir à des habitudes plus équilibrées lorsque ma routine sera plus stable.

Une chose à la fois.

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